Dans un taxi rouge, toujours. Le gars, la quarantaine, est drôle, de bonne humeur et il roule comme s’il n’existait ni stop, ni feux, ni voitures, ni piétons, comme si la route lui appartenait. Son taxi bondit et pétarade chaque fois qu’il change de vitesse. Soudain une voiture fonce sur nous à toute allure, queue-de-poisson et nous dépasse en crissant les pneus.
Le chauffeur énervé accélère, arrive à sa hauteur, baisse la vitre et crie au chauffard:– Qu’est-ce que t’as, toi, à courir comme ça?! Malek machi tsne3 Bétadine? Tu cours inventer la Bétadine?
Se retourne vers moi et rigole. Moi aussi je suis pliée.
– Si encore, il roulait vite pour quelque chose qui en vaille la peine, un truc qu’il va inventer, pour le bien de tous, de l’humanité, on dirait passe encore, makayne bass, c’est pas grave. Ben là, y sont rien foutus d’inventer et ça se prend pour des balèzes.
Le chauffeur continue de se plaindre, pendant que son taxi accélère, freine, klaxonne, brûle, bondit, sursaute, s’arrête… Mon coeur manque de s’arrêter de battre alors je lui dis en riant qu’il fait pareil, lui.
– Ah ma jolie, tu vois le gars tout à l’heure dans sa belle caisse, c’est lui le riche, c’est lui qu’est éduqué et qui doit donner l’exemple, et pourtant regarde, il se comporte comme un sauvage. Moi, moi, je suis que taxi moi, et j’ai pas eu d’instruction ni d’éducation, c’est normal. Pourquoi je me prendrais la tête à bien me comporter quand personne le fait. Donc ça restera toujours le bordel. Et on inventera jamais d’bétadine. Allah ghaleb.