Le Balafré – LA COUR DES MIRACLES

Je le vois souvent trainer dans le quartier, et la plupart du temps, il erre seul, rasant les murs, le nez plongé dans une poubelle ou posté devant une boutique, le dos courbé et la main tendue, à l’affût d’un client pour quémander quelques piécettes.


La peau tannée, longée de sillons comme du vieux cuir, il porte un léger teint de chiffonnier qui lui donne un aspect sinistre. Une longue et profonde balafre traverse sa lèvre jusqu’à l’oreille pour rejoindre plusieurs entailles à la gorge, et son visage, son corps, semblent avoir été entièrement recousus, comme un patchwork dont on aurait vite – et mal – rassemblé les panneaux avec une grosse aiguille et du fil épais.


Ses yeux sont noirs, perçants, et ici et là, sur ses joues, autour de ses lèvres, d’anciennes marques de drogues et de vapeurs toxiques.


Souvent il fouille les poubelles ou mendie quelques dirhams aux passants. Il faut dire que dans la rue, c’est le maître de la dépanne. Parfois, il s’improvise gardien de voitures en portant un gilet jaune, parfois balayeur en y ajoutant un balai; parfois il traque les passants, il intimide les dames ou effraie les “étrangers au derb”. Mais il ne fait jamais de mal. Du moins, dans « sa » rue.


Lorsqu’un “étranger” au derb s’aventure dans la rue, il le repère et profite de ses cicatrices pour approcher, le lorgner l’oeil menaçant et le rictus aux lèvres.


– Je viens de sortir de prison. Aide-moi!
– La3ba ‘Raja. Le Raja va jouer. Je veux aller voir le match. War9a Allah y Hafdek! De quoi acheter un billet!
– La3ba ‘Lwidad. Le Widad va jouer. Je veux aller voir le match. War9a Allah y Hafdek! De quoi acheter un billet!
– Donne-moi ton sandwich, j’ai faim!
– etc.


Le chantage affectif, ça roule plutôt bien pour lui. Il lui suffit de brandir son aspect sinistre comme on expose son atout, et alors l’étranger s’empresse de lui jeter des pièces, ce qu’il a en main, son sandwich ou son kilo de bananes avant de filer vite, évitant à tout prix de croiser son regard vil et inquiétant.


Parfois, il disparait quelques jours, un mois, en fonction de son dernier délit, délit de vol, d’agression, d’errance, de faciès, ou à l’occasion d’une nouvelle rafle policière, grossièrement et politiquement orchestrée, avant de réapparaitre frais et dispo, presque fringuant. Puis le voilà de nouveau dans le décor, celui qui se mêle aux sols et aux murs, celui qui se fond dans le décor des rues. Celui qu’on voit toujours, sans jamais vraiment remarquer.


Parfois le vendredi, son copain le rejoint :

– On s’met quoi aujourd’hui ?

– Tu vois l’immeuble là bas, tous les vendredi ils servent une sacrée bonne platée de couscous !

– L’immeuble à côté aussi.

– Mais Y z-y mettent plus de viande dans l’autre !

Se regardent, les yeux et le sourire contents, puis s’écrient en choeur :

– Yallah !

Et puis s’en vont sifflotant gaiement, bras dessus, bras dessous, dans une cadence entrainante, les compagnons de rue, de misère et de crime.


Il m’arrive de le regarder, le balafré, comme un vieil harmonica, brisé, poussiéreux, il ne souffle plus que quelques notes, par moments stridentes, glaçantes, par moments guillerettes, entraînantes.

La nuit, il épouse des formes inquiétantes et son ombre solitaire, terrifiante se dessine, louvoyante et tortueuse sur les murs verdis par l’usure et l’humidité.

Tôt le matin, il se tient allongé immobile, droit, parallèle au sol, les bras raides, parallèles à ses flancs, aplati sous une superposition de vieilles couvertures, parallèles à son corps. Et son corps. Parallèle au sol, parallèle au ciel. Comme un cadavre.


Il était ainsi, et faisait partie de la rue, de ses mouvements, de ses codes. Au début, j’étais moi-même un peu terrifiée par ce personnage patibulaire. Puis avec le temps, je remarquai aussi ses attentions. Il menaçait soit, mais il surveillait aussi. Les filles et les gars de sa rue, ils n’avaient rien à craindre avec lui. Même, il pourrait verser son sang pour eux, s’ils étaient menacés. Dans la rue, on avait fini par le surnommer Kho Dalton, et c’est vrai qu’il ressemblait à un frère Dalton.

Bref. Ce que je voulais vous raconter. Aujourd’hui encore, il se tient courbé, à l’entrée d’une épicerie :

– S’il vous plait, quelques dirham pour manger.

À côté de moi, un jeune homme aux biceps gonflés à l’hélium: son corps ressemble à un étrange losange sous pression.

– Va travaille au lieu de mendier !
– J’aimerais bien. Trouve-moi du travail. Mais ma santé le permet pas.


– N’importe quoi! C’est juste que tu es habitué à mendier, à trainer dans les rues et mendier, quémander, te courber pour quelques dirham. Va travailler, va! Espèce de paresseux! De profiteur! Je suis sûre que tu dois amasser des centaines de dirham le soir, que tu dors et manges bien!

Le jeune homme élève la voix.
– Va travailler. Espèce de cafard, de microbe! Tu es la lie de la société et les gens comme toi ne devraient plus exister. On devrait les supprimer. Viens ici, tu vas voir comme je vais t’écraser comme un cafard, comme un microbe. Tu es un microbe! Espèce de microbe.

Le jeune homme hurle à présent dans la rue, et fait de grands gestes dans l’air avec ses gros bras, prêt à en découdre avec le balafré.


La rue s’est subitement arrêtée, ses hommes figés, une minute suspendue à un dénouement tragique.

Quelques personnes essaient de calmer le jeune homme:
– Allah y same7!
– Skout Allah y hdik, il va t’égorger!
– Roujou3 Lillah!
– Hchouma sa7bi!
– Allah y 3fou!!
– Bla dem, lyouma joumou3a! Pas de sang, en ce vendredi!

Silence. Je vois le jeune homme marcher le pas pressé au milieu de la rue, dégoulinant de sueur, de testostérone et de quelque chose crasse, mauvais. Le balafré a subitement disparu.

Les badauds les ont séparés. On a évité le crime. Le rue retrouve son souffle.


Je reprends ma marche, et au moment de tourner à droite, j’aperçois devant moi le balafré, la tête fourrée dans une poubelle. Il extirpe un grand morceau de verre brisé avec 3 pointes, et à l’aide d’un bout de carton, il essaie d’improviser un manche autour d’une pointe, qu’il peut tenir contre sa paume sans se blesser. L’arme est terrifiante, mortelle.

Moi, à cet instant, je me trouve pile nez à nez avec lui et son arme. Dans son regard, le sang. La vengeance. La rage. Le meurtre. L7agra. Des larmes de sang. Des larmes acides.


Je lui dis doucement:

– Ce n’est pas la peine d’en arriver là. Il a été salaud et on en est tous témoins.

Encore furieux, ses yeux sont injectés d’encre noire. Je remarque toutefois qu’il repose son arme sur le trottoir, juste derrière lui, mais loin de ma vue.

– Je vais le saigner. Je m’en fous. Tu as entendu? Je m’en fous, j’ai rien à perdre. Même ma dignité.

– Allez, s’il te plait. Je te connais, tu es un gentil, tu ne fais de mal à personne.

– Il croit me faire peur avec ses biceps? Un geste et je le saigne jusqu’à la dernière goutte. Une pointe et je l’éclate comme un ballon. Un mot et je rassemble tous mes amis de derb xxx et derb xxx. Ils attendent que ça, de saigner quelqu’un. Je me suis retenu, mais… microbe? Ana? Moi? Je vis dans la rue depuis l’âge de 5 ans. J’ai vu, j’ai vécu, j’ai subi. J’ai grandi dans les poubelles, la drogue et la violence. Depuis quelques années, j’ai arrêté tout ça. Je vis de menues combines, et de la mendicité. Maintenant, moi, quand je erre la nuit, à 2h du matin, parfois je passe à côté de bagarre: je baisse la tête et je rase les murs.J’en ai fini avec la folie, la drogue, le crime. Avec tout ça. Je me suis rangé. J’aurais pu le saigner mais je me suis retenu. Mais… microbe? Ana? Moi? Je suis découpé de partout et je peux pas travailler. Moi le microbe, qu’est-ce que vous faites pour moi? Lui, vous, la société? Comment suis-je devenu microbe? J’étais juste un orphelin, c’est la société qui m’a rendu microbe.

Silence.

– Il m’a dit microbe.

Il souffle ça dans un murmure. Dans ses yeux, au milieu de l’encre noire de ses pupilles, j’aperçois une lueur. L’homme est sincèrement blessé, profondément humilié. Cette lueur, elle me perce le ventre.

Il a oublié son arme, et je crois que l’autre a eu le temps de partir.

Trouvant une oreille attentive et un peu de compassion, le balafré en rajoute maintenant un peu, et dans ses yeux revient petit à petit une lueur un peu vile et servile, un peu obséquieuse. Un mélange de renard trompé et de chaton blessé.

Une lueur de Tacasaouite. Je pense à l’instant de ce personnage, l’Ouzir, que j’avais rencontré dans un souk. Il me donnait alors sa définition du Casaoui.

“– Hahaaa ! Un casaoui, c’est un gars qui fait Tacasaouite. Un bidaoui 7orr. Eh oui Il faut connaître Tacasaouite. Les combines. Un casaoui, c’est un gars qui fait tout le temps des combines. C’est dans le sang. Mais attention, avec la parole. Tout ça, avec la parole et l’honneur. On est des bons gars hein. Mais on est des Tacasaouite.”

Bref.

Le Balafré finit par laisser tomber le meurtre, et s’en va roder ailleurs, une rue un peu plus loin, non sans m’avoir soutiré quelques dirham, l’air de rien.

Je m’en vais. Dans mon ventre remue un mélange d’émotions et de sensations étranges, lourdes, révLeBalafré – LA COUR DES MIRACLES
Je le vois souvent trainer dans le quartier, et la plupart du temps, il erre seul, rasant les murs, le nez plongé dans une poubelle ou posté devant une boutique, le dos courbé et la main tendue, à l’affût d’un client pour quémander quelques piécettes.

La peau tannée, longée de sillons comme du vieux cuir, il porte un léger teint de chiffonnier qui lui donne un aspect sinistre. Une longue et profonde balafre traverse sa lèvre jusqu’à l’oreille pour rejoindre plusieurs entailles à la gorge, et son visage, son corps, semblent avoir été entièrement recousus, comme un patchwork dont on aurait vite – et mal – rassemblé les panneaux avec une grosse aiguille et du fil épais.

Ses yeux sont noirs, perçants, et ici et là, sur ses joues, autour de ses lèvres, d’anciennes marques de drogues et de vapeurs toxiques.

Souvent il fouille les poubelles ou mendie quelques dirhams aux passants. Il faut dire que dans la rue, c’est le maître de la dépanne. Parfois, il s’improvise gardien de voitures en portant un gilet jaune, parfois balayeur en y ajoutant un balai; parfois il traque les passants, il intimide les dames ou effraie les “étrangers au derb”. Mais il ne fait jamais de mal. Du moins, dans « sa » rue.

Lorsqu’un “étranger” au derb s’aventure dans la rue, il le repère et profite de ses cicatrices pour approcher, le lorgner l’oeil menaçant et le rictus aux lèvres.

– Je viens de sortir de prison. Aide-moi!
– La3ba ‘Raja. Le Raja va jouer. Je veux aller voir le match. War9a Allah y Hafdek! De quoi acheter un billet!
– La3ba ‘Lwidad. Le Widad va jouer. Je veux aller voir le match. War9a Allah y Hafdek! De quoi acheter un billet!
– Donne-moi ton sandwich, j’ai faim
– etc.


Le chantage affectif, ça roule plutôt bien pour lui. Il lui suffit de brandir son aspect sinistre comme on expose son atout, et alors l’étranger s’empresse de lui jeter des pièces, ce qu’il a en main, son sandwich ou son kilo de bananes avant de filer vite, évitant à tout prix de croiser son regard vil et inquiétant.

Parfois, il disparait quelques jours, un mois, en fonction de son dernier délit, délit de vol, d’agression, d’errance, de faciès, ou à l’occasion d’une nouvelle rafle policière, grossièrement et politiquement orchestrée, avant de réapparaitre frais et dispo, presque fringuant. Puis le voilà de nouveau dans le décor, celui qui se mêle aux sols et aux murs, celui qui se fond dans le décor des rues. Celui qu’on voit toujours, sans vraiment le remarquer.

Parfois le vendredi, son copain le rejoint:

– On s’met quoi aujourd’hui?

– Tu vois l’immeuble là bas, tous les vendredi ils servent une sacre bonne platée de couscous!

– L’immeuble à côté aussi.

– Mais Y z-y mettent plus de viande dans l’autre!

Se regardent, les yeux et le sourire contents, puis s’écrient en choeur:

– Yallah!

Et puis s’en vont sifflotant gaiement, bras dessus, bras dessous, dans une cadence entrainante, les compagnons de rue, de misère et de crime.

Il m’arrive de le regarder, le balafré, comme un vieil harmonica, brisé, poussiéreux, il ne souffle plus que quelques notes, par moments stridentes, glaçantes, par moments guillerettes, entraînantes.

La nuit, il épouse des formes inquiétantes et son ombre solitaire, terrifiante se dessine, louvoyante et tortueuse sur les murs verdis par l’usure et l’humidité.

Tôt le matin, il se tient allongé immobile, droit, parallèle au sol, les bras raides, parallèles à ses flancs, aplati sous une superposition de vieilles couvertures, parallèles à son corps. Et son corps. Parallèle au sol, parallèle au ciel. Comme un cadavre.

Il était ainsi, et faisait partie de la rue, de ses mouvements, de ses codes. Au début, j’étais moi-même un peu terrifiée par ce personnage patibulaire. Puis avec le temps, je remarquai aussi ses attentions. Il menaçait soit, mais il surveillait aussi. Les filles et les gars de sa rue, ils n’avaient rien à craindre avec lui. Même, il pourrait verser son sang pour eux, s’ils étaient menacés. Dans la rue, on avait fini par le surnommer Kho Dalton, et c’est vrai qu’il ressemblait à un frère Dalton.

Bref. Ce que je voulais vous raconter. Aujourd’hui encore, il se tient courbé, à l’entrée d’une épicerie:

– S’il vous plait, quelques dirham pour manger.

À côté de moi, un jeune homme aux biceps gonflés à l’hélium: son corps ressemble à un étrange losange sous pression.

– Va travaille au lieu de mendier!
– J’aimerai bien. Trouve-moi du travail. Mais ma santé le permet pas.

– N’importe quoi! C’est juste que tu es habitué à mendier, à trainer dans les rues et mendier, quémander, te courber pour quelques dirham. Va travailler, va! Espèce de paresseux! De profiteurs! Je suis sûre que tu dois amasser des centaines de dirham le soir, que tu dors et mange bien!

Le jeune homme élève la voix.
– Va travailler. Espèce de cafard, de microbe! Tu es la lie de la société et les gens comme toi ne devraient plus exister. On devrait les supprimer. Viens ici, tu vas voir comme je vais t’écraser comme un cafard, comme un microbe. Tu es un microbe! Espèce de microbe.

Le jeune homme hurle à présent dans la rue, et fait de grandes gestes dans l’air avec ses gros bras, prêt à en découdre avec le balafré.
La rue s’est subitement arrêtée, ses hommes figés, une minute suspendue à un dénouement tragique.

Quelques personnes essaient de calmer le jeune homme:
– Allah y same7!
– Skout Allah y hdik, il va t’égorger!
– Roujou3 Lillah!
– Hchouma sa7bi!
– Allah y 3fou!!
– Bla dem, lyouma joumou3a! Pas de sang, en ce vendredi!

Silence. Je vois le jeune homme marcher le pas pressé au milieu de la rue, dégoulinant de sueur, de testostérone et de quelque chose crasse, mauvais. Le balafré a subitement disparu.

Les badauds les ont séparé, on a évité le crime.

Je reprends ma marche, et au moment de tourner à droite, j’aperçois devant moi le balafré, la tête fourrée dans une poubelle. Il extirpe un grand morceau de verre brisé avec 3 pointes, et à l’aide d’un bout de carton, il essaie d’improviser un manche autour d’une pointe, qu’il peut tenir contre sa paume sans se blesser. L’arme est terrifiante, mortelle.


Moi, à cet instant, je me trouve pile nez à nez avec lui et son arme. Dans son regard, le sang. La vengeance. La rage. Le meurtre. L7agra. Des larmes de sang. Des larmes acides.


Je lui dit doucement:

– Ce n’est pas la peine d’en arriver là. Il a été salaud et on en est tous témoins.

Encore furieux, ses yeux sont injectés d’encre noire. Je remarque toutefois qu’il repose son arme sur le trottoir, juste derrière lui, mais loin de ma vue.

– Je vais le saigner. Je m’en fous. Tu as entendu? Je m’en fous, j’ai rien à perdre. Même ma dignité.

– Allez, s’il te plait. Je te connais, tu es un gentil, tu ne fais de mal à personne.


– Il croit me faire peur avec ses biceps? Un geste et je le saigne jusqu’à la dernière goutte. Une pointe et je l’éclate comme un ballon. Un mot et je rassemble tous mes amis de derb xxx et derb xxx. Ils attendent que ça, de saigner quelqu’un. Je me suis retenu, mais… microbe? Ana? Moi? Je vis dans la rue depuis l’âge de 5 ans. J’ai vu, j’ai vécu, j’ai subi. J’ai grandi dans les poubelles, la drogue et la violence. Depuis quelques années, j’ai arr^té tout ça. Je vis de menues combines, et de la mendicité. Maintenant, moi, quand je erre la nuit, à 2h du matin, parfois je passe à co^té de bagarre: je baisse la tête et je rase les murs.J’en ai fini avec la folie, la drogue, le crime. Avec tout ça. Je me suis rangé. J’aurai pu le saigner mais je me suis retenu. Mais… microbe? Ana? Moi? Je suis découpé de partout et je peux pas travailler. Moi le microbe, qu’est-ce que vous faites pour moi? Lui, vous, la société? Comment suis-je devenu microbe? J’étais juste un orphelin, c’est la société qui m’a rendu microbe.


Silence.

– Il m’a dit microbe.

Il souffle ça dans un murmure. Dans ses yeux, au milieu de l’encre noire de ses pupilles, j’aperçois une lueur. L’homme est sincèrement blessé, profondément humilié. Cette lueur, elle me perce le ventre.


Il a oublié son arme, et je crois que l’autre a eu le temps de partir.

Trouvant sans doute une oreille attentive et un peu de compassion, le balafré en rajoute maintenant un peu, et dans ses yeux revient petit à petit une lueur un peu vile et servile, un peu obséquieuse. Un mélange de renard trompé et de chaton blessé.


Une lueur de Tacasaouite. Je pense à l’instant de ce personnage, l’Ouzir, que j’avais rencontré dans un souk. Il me donnait alors sa définition du Casaoui.

“– Hahaaa ! Un casaoui, c’est un gars qui fait Tacasaouite. Un bidaoui 7orr. Eh oui Il faut connaître Tacasaouite. Les combines. Un casaoui, c’est un gars qui fait tout le temps des combines. C’est dans le sang. Mais attention, avec la parole. Tout ça, avec la parole et l’honneur. On est des bons gars hein. Mais on est des Tacasaouite.”


Bref.

Le Balafré finit par laisser tomber le meurtre, et s’en va roder ailleurs, une rue un peu plus loin, non sans m’avoir soutiré quelques dirham, l’air de rien.


Je m’en vais. Dans mon ventre remue un mélange d’émotions et de sensations étranges, lourdes, d’une tristesse infinie, et d’un bourdonnement rageux.

ET LA SUITE, ON L'ECRIT ENSEMBLE?