Il est 16h. Deux gamins, 12 ou 13 ans, sont accroupis au milieu d’une décharge, le nez plongé dans un livre, l’air concentré. L’un d’eux griffonne sur un cahier, à la main un stylo bic bleu, rongé au bout.
– Qu’est-ce que tu fais ? Je demande.
– Des devoirs. Khalti, tu peux m’aider à lire ce mot ?
– Oui. Pourquoi tu fais tes devoirs ici, tu ne vas pas à l’école ?
– Non. Jamais été. Avec mon copain, on essaie d’apprendre tous seuls. Je ne peux pas aller à l’école, je travaille. Maman me loue à des gens, pour mendier. 100 Dh la journée. Quand j’étais bébé, 150 Dh. Je vaux moins, et de plus en plus moins.
Il balance ça, le regard à la fois triste et intelligent, un rictus au coin de ses petites lèvres.
– Dis Khalti, il veut dire quoi, ce mot ?
– Pourquoi tu travailles ici, dans cette décharge ?
– Parce qu’ici, j’ai la paix. Parce que si on me voit, je suis fichu. J’apprends en cachette, avec mon copain. Je veux plus qu’on me loue, je veux apprendre et avoir un cerveau et un vrai métier et une vraie vie. Et tout faire pour que plus aucun enfant soit jamais plus loué pour mendier.