Les Copains D’abord – LA COUR DES MIRACLES

Je suis dans une agence bancaire de Hay XXX. Soudain, derrière la porte vitrée se dessinent les silhouettes fluettes de 2 bambins, 6 ou 7 ans. L’un est nu-pieds, un t-shirt sale et troué, l’autre est chaussé de sandales en plastique trop grandes et dépareillées. Ils se hissent sur la pointe des pieds, mais du haut de leur petit mètre, ils n’arrivent pas à atteindre le bouton de sonnerie. Après plusieurs tentatives, ils finissent par toquer. L’agent de sécurité ouvre.
Ils rentrent timidement, et se fichent des coups de coudes, en chuchotant et pouffant des « Nta ! Toi ! » « La nta ! Non, toi ! » « Wa yallah ! Allez »

– Salam ! On veut des cartes.
L’agent de sécurité, surpris :
– Des cartes ?
– Oui, on cherche des cartes et on nous a dit qu’à la banque, on faisait des cartes.
L’agent, riant : Oui, on fait des cartes, mais des cartes bancaires.
Les copains: Mais non, nous on veut des cartes pour jouer. On nous a dit que la banque donnait des cartes.

L’agent, riant de plus belle.
– Ici c’est une banque, mais on distribue des cartes bancaires, pas des cartes de jeu.

Les deux bambins se regardent, profondément déçus. L’agent, attendri, semble sincèrement affligé de ne pas pouvoir les aider :
– Oui, parfois en fin d’année, on distribue des calendriers et des cartes, mais c’est pour les clients de la banque. Attendez, je vais voir s’il en reste en stock.

Il rentre dans un bureau et en ressort l’air bredouille. J’ai entendu la directrice le rabrouer, à sa demande « ridicule » :
– Non on n’en a plus. Vous pouvez allez en acheter chez l’épicier…
– On n’a pas d’argent. Mais… on nous a dit que la banque, elle avait des cartes…
– Oui… bancaires, les enfants.

Les 2 petits haussent les épaules incrédules, se retournent et s’en vont. Je les regarde partir, de dos : les copains forment un tableau attachant; ils marchent bras dessus-dessous en sautillant gaiement, l’un déchaussé, l’autre mal chaussé, et ils rient. Ils traversent l’avenue et s’arrêtent devant une autre agence bancaire.

Je souris.

ET LA SUITE, ON L'ECRIT ENSEMBLE?