Tendez l’oreille, écoutez bien,
Ce son de cloche, cette cadence au loin,
C’est la complainte d’un porteur d’eau,
Qui se noie de chagrin,
Au fond de sa tasse en étain.
S’il dort là sur ce trottoir,
Rappelez-vous qu’hier encore,
sa cloche sonnait son passage,
Entre nos villes et nos villages.
Ding Ding
Drin Drin
C’est l’histoire du porteur d’eau,
de ses tasses, sa cloche et sa sacoche,
Mais! Qu’il était beau,
Un grand chapeau sur la caboche.
Avec les couleurs du drapeau,
Le gai baroudeur
Promenait pour seuls bagages,
Ses peaux de chèvres
Pour lui réchauffer le cœur,
Et une exquise eau à boire
Pour vous tremper les lèvres,
Et puis, si j’ose, je veux bien le croire,
La vertu des hommes sages.
Les enfants couraient le voir,
Et plongeaient leurs rires et leurs babines,
Le nez, puis tout le visage,
Dans ses coupes, d’une eau cristalline,
Élevée loin des gaz et des benzines.
Quant aux passants assoiffés,
Ils guettaient en chemin,
Son grand chapeau de pèlerin,
Pour savourer quelques gorgées
De sa sève parfumée,
Tandis qu’il clamait, l’air joyeux,
Même un brin cérémonieux,
Goûtez donc ce breuvage précieux
Contre une pièce, si Dieu le veut.
Ding ding
Drin Drin
Tendez l’oreille, écoutez bien,
Cette rengaine, le soupir d’un ancien,
Qui a perdu le sommeil,
Depuis que l’eau est en bouteille.
L’histoire s’achève, et bien cynique,
Sur ce bout de trottoir,
Avec ces bouts de plastique.
Ouvrez les yeux, regardez bien,
Au feu ou au rond-point,
Cet homme vous tendre la main,
Comme un mendiant,
Un homme de rien.
Mais, ouvrez les yeux, regardez bien,
S’il dort là sur ce trottoir,
Rappelez-vous qu’hier encore,
Il portait l’eau des ruisseaux,
Et matin et soir,
Sa cloche sonnait son passage,
Entre nos villes et nos villages.
C’est l’histoire du porteur d’eau,
De ses tasses, de sa cloche et sa sacoche,
Et puis, qu’il était beau !
Avec son grand chapeau sur la caboche.
Mais il mourra de faim ce soir,
Celui qui étanchait vos soifs,
C’est un comble, j’en conviens,
Une bougie passe dans le noir.
Cette nuit,
Le porteur d’eau s’en est allé
Il serrait contre son coeur,
son héritage millénaire,
Ses tasses, ses cloches et sa sacoche
Et sous le grand chapeau de son père,
Des rêves encore plein la caboche.
Ding ding,
Drin Drin
Alors si vous pouviez parfois,
M’a confié son chapeau, avant la fin,
Élever une humble pensée pour moi,
Et en bordant vos petits bambins,
Conter un bout de mon histoire,
Avant qu’elle finisse aussi soudain…
sur le trottoir.
Oui, si le cœur vous en dit, parfois,
En bordant vos chérubains,
De conter un bout de mon histoire
Et de mes babioles en étain.
Tendez l’oreille, écoutez-moi…
Mon cœur, en ces soirs,
Comme autrefois mon eau à boire,
frémira au creux de vos mains.
Ding ding,
Drin Drin