Hier dans le taxi. Un trajet très court, très éprouvant.
Le conducteur semble agité: il accélère, il freine, il crache, il insulte. Par moments, il se fiche des claques sur les bras avec ses paumes, comme pris d’un accès de rage contre lui-même. Moi, je suis assise à l’avant et entre nous, pas franchement rassurée par le bonhomme.
– Elle peut crever avant que je m’arrête celle-là. Elle croit quoi, la Ebola, que je vais la faire monter dans mon taxi! Pas de 3azzis* dans mon taxi.
Ils sont partout dans nos rues maintenant, bientôt, ils seront dans notre sang aussi. Si c’est pas déjà fait. Manquait plus que ça, que nos gênes se mélangent.
Il poursuit:
– Tu as peur d’Ebola? Moi, si je chope cette merde, tu sais ce que je vais faire, tu sais?
J’ai mal partout, une rage sourde à la gorge, je reste calme pourtant et je réponds par une question. Avec les cons, rien ne sert d’aller à contre-courant de la bêtise, parfois, il suffit de l’accompagner.
– Tu sais que l’Ebola, un marocain peut te le transmettre? un européen aussi, tiens! Ah et surtout ne t’avise pas de faire monter un américain, on raconte que c’est arrivé jusqu’au Texas!
Il reste quelques secondes silencieux:
– C’est vrai. En fait c’est la merde. Tu sais ce que je vais faire moi, si je chope cet d’Ebola de malheur? Je vais me planquer dans un coin et je vais fumer joint après joint après joint jusqu’à la mort. Tiens, ce serait pas plus mal finalement, pourquoi pas?
‘Toute façon, j’ai une vie minable, donc un Ebola de plus ou de moins, après tout, pfff! Je souffre déjà. Vie de merde: tu vis comme un chien, tu crèves comme un chien!
L’homme se tait de nouveau et sombre dans une sorte de méditation – il réfléchit? -, puis se retourne vers moi brusquement, les yeux soudain inquiets:
– Et donc tu penses que je dois me méfier des marocains aussi?